Anselm Kiefer, Tannhaüser

Anselm Kiefer, Tannhaüser
Musée Würth, Erstein, mai 2009 (photo personnelle)
Un seuil est inquiétant. Il matérialise une frontière, marque la séparation avec un ailleurs, lieu encore non pénétré, inconnu, menaçant ... mais si attrayant! La femme de Barbe-Bleue est prête à tout pour le franchir, consciente cependant du danger qui la guette.
Un seuil est une limite imperceptible: un pas, et l'on est déjà de l'autre côté. Être au seuil de la vieillesse, c'est flirter avec elle tout en espérant toujours rester du bon côté. Il y a des seuils qu'on voudrait des murailles...
Certains seuils pourtant sont franchis sans qu'on s'en aperçoive, tellement ils savent se faire discrets. Mais ceux-ci ont presque disparu: le seuil survit-il à son franchissement?
Zone de rencontre, le seuil est aussi ouverture: menant parfois vers l'inconnu, il permet le contact, rend proche ce qui semble ne pouvoir se toucher. Un seuil est un frôlement: d'ailleurs, comment définir ce qui appartient encore à la vie et ce qui est déjà la mort? Du seuil, un souffle nous parvient, on respire l'air d'ailleurs.La vie nous fait franchir des seuils, ou tout juste empiéter sur eux. Ils nous repoussent ou nous fascinent.
Les seuils organisent nos déplacement, nous attirent d'un monde à l'autre, séparations fictives ou dérisoires: on croyait être ici, on est au-delà.

mercredi 5 août 2009

Quoi de neuf à San Francisco...


(Photos personnelles : San Francisco, 25 juillet au 1er août 2009) : le cinéma du Castro ; vue de North Beach; graffiti à Ashbury/Haights ; cable car sur California Street ; site d'abandon d'enfant ; supporters des coureurs du marathon sur Divisadero Street ; Alamo Square.






























Posée en équilibre instable sur des collines escarpées au bord du Pacifique, San Francisco se construit en vagues successives, chacune mourant où l'autre commence. Imperceptiblement, le promeneur passe d'un quartier à l'autre, sans avoir conscience de franchir un seuil quelconque. Ainsi, l'Italie succède à la Chine, la Mission hispanique donne naissance au Castro, Alamo Square aux édifices presque victoriens (mais multicolores : la ville ne se renie jamais) accouche du Haight toujours hanté par les fantômes de Janis Joplin et de Jerry Garcia, Russian Hill débouche sur North Beach. Là, à l'intersection entre Columbus Avenue et Adler, on espère encore croiser Kerouac et Moriarty/Cassidy, Ginsberg, et tous les poètes de la Beat Generation... Les ruelles vertigineuses, parcourues par des cable cars s'annonçant par des grincements reconnaissables entre tous, évoquent le souvenir de Kim Nowak et de James Stewart : normal que Vertigo y ait trouvé son décor...
Rien ne s'étale; tout s'élève, s'effondre, serpente en dépit de la rigueur des lignes qui se coupent à angle droit. Les plans sont trompeurs: à la manière américaine, ils semblent établir un quadrillage serré et rectiligne que déjoue l'étrangeté du terrain. Pas de place ici pour l'horizon. Chaque rue suit son inclination naturelle, mettant muscles et freins à rude épreuve. Chaque ascension en annonce une autre, chaque sommet dévoile le prochain, dans un paysage mêlant intimement nature et humanité: le Golden Gate se perd toujours dans le brouillard.La seule frontière est celle de l'océan...
Etrangement, cette ville est fluide : tout y est mouvement, mais sans précipitation. Le touriste est chaleureusement abordé par l'habitant du quartier promenant son chien; dans les cable cars, véhicules antédiluviens que l'on croirait réservés aux touristes, mais qui transportent tout le monde, des vieillards parlent aux enfants. On croise dans les bus des personnages de Bukowski : cela n'étonne personne.
San Francisco, une utopie?
Creuset abolissant les différences et qui mêle les populations, lieu de toutes les libertés rejetant en apparence tous les stéréotypes américains – ici, le financial district occupe peu de place par rapport aux espaces verts et aux maisons basses – c'est une ville belle et attachante, rendant possible toutes les rencontres. Mais le voyageur attentif y sentira tout de même les ravages d'une société dont le dollar est une des valeurs essentielles. Les vagabonds n'y sont plus des poètes, on n'y croise plus de clochards célestes mais des vieux sans abri, des jeunes gens au visage marqué par la misère et la solitude, tous cherchant dans les caniveaux les mégots laissés par de plus chanceux qu'eux...

5 commentaires:

  1. Bonjour,

    Ah ! J'avais déjà envie d'aller aux États-Unis, mais c'était surtout la côte Est qui emportait mes faveurs. La côte Est, mais aussi le Grand Canyon, le Dakota du Nord (à cause de la lumière du film de Robert Redford, "Et au milieu coule une rivière"), et Ann Arbor, dans le Michigan, pour y revoir un ami. Maintenant, le champ géographique s'est considérablement élargi - jusqu'à l'autre océan. Alors, Madame, comment faire ? C'est cruel d'attiser ainsi le désir de voyager, d'autant plus que, pour moi, la flânerie prime. De la frénésie, oui, de la frénésie gourmande, de la frénésie amoureuse, de la frénésie amoureusement gourmande, oui, oui, oui, mais doucement, lentement, curieusement. Donc, si je compte bien, il me faudra traverser au moins trois fois (au lieu de deux) pour faire simplement connaissance avec les U.S.A.

    La librairie du Beatnik Ferlinghetti, "City Lights Books" existe-t-elle encore ?

    Enfin, si vous êtes de nouveau française, sachez que la troisième chaîne diffuse "Vertigo" (banalement traduit par "Sueurs froides") le samedi 8 août (2009), de 23 heures 55 à 2 heures. En V.O. ? Faut quand même pas trop en demander.

    À bientôt et merci pour ces belles photos.

    Marc.

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  2. thanks much for the intriguing collection of photos. you are not an ordinary tourist: in a few images you have captured much of the city's essence and individuality.

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  3. Marc, moi aussi je me sentais attirée beaucoup plus par la côte Est que je connais déjà un peu – New York me fascine – mais j'ai été conquise par San Francisco, qui est à ma connaissance la seule ville américaine réellement chaleureuse. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de succès auprès des clochards du coin, avec qui j'ai eu quelques discussions mémorables (l'un d'entre eux est venu me voir tous les matins au bas de l'hôtel, pour notre première cigarette matinale (eh oui, je me suis remise à fumer...). City Lights existe toujours, on pourrait presque y croiser encore des ombres célèbres dans les escaliers de bois ou les sous-sols un peu obscurs – j'ai eu l'impression d'y être dans un navire des siècles passés...
    A mon avis, San Francisco n'attend que toi (et d'ailleurs Mulhouse également, même si c'est pour d'autres raisons).
    Bises et à bientôt
    Anne-Françoise

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  4. Stephen, thanks for your comment, which makes me blush... I love this city : people are friendly, human, much more than in other cities. Sorry I could'nt see you there...

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  5. allways good to come back to your blog .
    see you !!!

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