Anselm Kiefer, Tannhaüser

Anselm Kiefer, Tannhaüser
Musée Würth, Erstein, mai 2009 (photo personnelle)
Un seuil est inquiétant. Il matérialise une frontière, marque la séparation avec un ailleurs, lieu encore non pénétré, inconnu, menaçant ... mais si attrayant! La femme de Barbe-Bleue est prête à tout pour le franchir, consciente cependant du danger qui la guette.
Un seuil est une limite imperceptible: un pas, et l'on est déjà de l'autre côté. Être au seuil de la vieillesse, c'est flirter avec elle tout en espérant toujours rester du bon côté. Il y a des seuils qu'on voudrait des murailles...
Certains seuils pourtant sont franchis sans qu'on s'en aperçoive, tellement ils savent se faire discrets. Mais ceux-ci ont presque disparu: le seuil survit-il à son franchissement?
Zone de rencontre, le seuil est aussi ouverture: menant parfois vers l'inconnu, il permet le contact, rend proche ce qui semble ne pouvoir se toucher. Un seuil est un frôlement: d'ailleurs, comment définir ce qui appartient encore à la vie et ce qui est déjà la mort? Du seuil, un souffle nous parvient, on respire l'air d'ailleurs.La vie nous fait franchir des seuils, ou tout juste empiéter sur eux. Ils nous repoussent ou nous fascinent.
Les seuils organisent nos déplacement, nous attirent d'un monde à l'autre, séparations fictives ou dérisoires: on croyait être ici, on est au-delà.

lundi 21 février 2011

A la dérive...

 L'hiver dernier, le sieur Alain Giorgetti lançait le projet un peu fou d'une revue en ligne, A la dérive,  proposant à un équipage disparate et enthousiaste de prendre avec lui le départ pour un voyage littéraire surprenant... Le numéro 1, Bâtir de beaux monstres, est en ligne depuis le mois dernier; la dérive proposée a pour port d'ancrage un texte extrait du Gai savoir :
Au bord de la mer. — Je ne me bâtirais pas de maison (mon bonheur exige même que je n’en possède pas!) Mais s’il fallait que je le fasse, je voudrais, comme certains Romains, la bâtir jusque dans la mer; il me plairait de partager quelques secrets avec ce beau monstre.  (Nietzsche, Le Gai Savoir / §240 / Trad. : Alexandre Vialatte)
De nombreux contributeurs ont accepté de prendre le départ. Alain Giorgetti a rassemblé ainsi de nombreuses contributions, et le résultat est à la mesure des attentes de chacun. Un magnifique travail du capitaine (ô capitaine)!

Gustave Doré, Léviathan.

4 commentaires:

  1. Mais... On me flatte ? Bah, c'est pas grave ! Vous pouvez continuer quand même...

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  2. Je ne me vois pas renard, pourtant. Et puis, ce n'est pas de la vile flatterie, capitaine (ô capitaine)!

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  3. Il n'y a rien de plus jouissif que de ne pas savoir où on va, d'être à la dérive, de bifurquer dans le graphe pour fabriquer l'entrelacs. L'espace euclidien est parallèles qui ne se rejoignent pas alors que l'espace riemannien offre la courbe et la dérive. Je ne sais pas tricoter, beaucoup trop linéaire, par contre je sais crocheter une surface vibrante, le crochet permet la monstruosité en bifurquant dans tous les sens avec des points nodaux de plus en plus complexes dans le labyrinthe. C'est ce que j'attends d'un texte c'est de ne pas le comprendre d'emblée, qu'il soit bifurcation et court-circuit. Pour reprendre ce que dit François Laruelle à Gilbert Kieffer, la vision n'est pas directe en ligne droite mais courbe et propose l'ondulatoire, c'est le mouvement de la lumière qui le donne. Vos dérives coïncident avec mes dérives : http://marylinrolland.free.fr/Espace_de_space.html Espace de space X, les architectures actives, image 9 à 13 avec firefox uniquement. Ce qui fait vivre un écrit ce sont également nos vies singulières car même si nous avons beaucoup de point communs, A-F K, il y aura toujours une différaence, une richesse très personnelle de nos perceptions ce que Bernard Stiegler nomme une rétention secondaire, ce qui fait que nous pouvons avoir un esprit critique afin de nous éloigner de "la société de consommation comme seul horizon possible" ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. La gratuité est un pied de nez aux banques qui n'ont jamais rien fait de gratuit pour les artistes d'avant et de maintenant, de ce côté ça continue de tourner en rond, c'est forcément délétère pour la création.
    J'attends le N°2 après avoir lu au fil du temps le N°1 et le Zaporogue dans lequel je retrouve des auteurs.

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  4. Oui, Marylin, et je pense que cela n'est pas un hasard non plus que tu évoques l'espace riemannien... Encore un point nodal, n'est-ce pas? C'est vrai, points communs et différences s'additionnent pour créer tous les possibles. Je t'embrasse

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